Darkweb

La récente salve de francisation de termes informatiques n’a pas fait que des heureux. Plusieurs voix se sont élevées contre l’institutionnalisation de fait de termes abscons, comme darkweb et deepweb dont l’existence même prête à polémique.

Autant un portail de messagerie (« webmail ») est un concept clair pour tous, autant les notions d’internet clandestin (« darkweb ») ou de toile profonde (« deepweb ») n’ont pas de réalité si tangible que ce qu’on veut bien nous faire croire.

Le cas des clandestins

Le Larousse nous apprend que clandestin peut signifier « qui se cache » mais aussi « qui contrevient à la loi ou qui se dérobe au contrôle ». Cela peut tout à fait s’appliquer à l’internet de Mme Michu, car nombre de sites web d’accès public contreviennent allègrement à plusieurs lois françaises : tel site d’un journal people qui reprend des clichés violant la vie privée de personnalités, tel autre qui diffuse de annonces liées à des escroqueries diverses (la bague qui guérit tout, le gain assuré au loto, l’augmentation de volume de [ce qu’on veut], la promesse de gains mirobolifiques sur des marchés financiers qu’on cache être extrêmement risqués), la vente d’armes sur Facebook ou Instagram, etc.

Par ailleurs, se dérober au contrôle est parfois une mesure salutaire notamment dans les pays (grands ou petits) où la censure sévit et où la clandestinité est la seule option permettant de vivre (ou survivre). Aller sur l’onionland ou utiliser des VPN est nécessaire à certains.

Sombre internet

D’après S. Bortzmeyer, la définition correcte de deepweb serait :

Concept débile, peu ou pas défini, flou, et qui ne sert qu’aux politiciens et journalistes sensationnalistes.

La définition officiellement retenue est :

Partie de la toile qui n’est pas accessible aux internautes au moyen des moteurs de recherche usuels.

Ce qui est sans aucun rapport avec la notion qu’on veut mettre dans ce deepweb peuplé uniquement de méchants qui se cachent pour comploter, car il y a un tas de raisons pour lesquelles les moteurs de recherche n’indexent pas : je prenais le cas d’un portail de messagerie, dont la quasi-totalité du contenu n’est accessible qu’à un utilisateur authentifié (et donc inaccessible aux moteurs de recherche). Ce portail de messagerie serait donc à classer dans le deepweb. Or consulter ce deepweb vous expose directement à l’excommunication ou à des poursuites pénales, bien entendu. Idem pour tous les sites utilisant un fichier robots.txt.

Deep ou dark ? Blanc ou noir ?

J’avoue moi-même ne plus bien réussir à faire la différence entre ces deux notions, tant elles sont floues. Une distinction plus simple et plus claire serait peut-être de parler d’activités légales ou d’activités illégales sur internet, quels que soient les moyens employés, puisqu’on peut vendre de la drogue sur l’internet « classique » et tenter de sauver sa famille sur l’internet « clandestin ». Toutefois, le darkweb désigne plus généralement :

Réseau accessible uniquement via des outils spécifiques, comme le navigateur Tor.

Après, Tor ou Freenet ne sont pas vraiment des réseaux séparés, puisqu’ils utilisent l’infrastructure d’internet. On parle de réseaux « overlays », qui se superposent sur des réseaux existants.

Internet n’est qu’une sorte de reflet des activités humaines : les truands se cachent, sauf parfois pour escroquer les gens ou faire leur business. Et les gens normaux sont parfois tentés d’être discrets pour de bonnes raisons. Le darkweb sera d’ailleurs peut-être la dernière solution pour tenter de garder un soupçon de vie privée.

The Dark Web Boundaries Are Not Always Clear, and Many Sites Fall in a Gray Area

Idan Aharoni on SecurityWeek.com

Sources

Articles externes