Informatique quantique

Objet de fantasme et de recherches intensives, il est difficile de savoir (en 2020) sur quoi cela va déboucher, et si l’ordinateur quantique pratique verra le jour dans un avenir proche ou prévisible. Néanmoins, autant savoir de quoi il retourne.

Principes

Un ordinateur quantique n’est pas un ordinateur. Enfin, moi je n’appellerai pas ça un ordinateur, au sens calculateur, car il ne calcule pas vraiment.

Exact, ou presque

Un ordinateur quantique permet de calculer des opérations d’une complexité inouïe, inimaginable avec des transistors, notamment pour les algorithmes non polynomiaux. Mais avec des erreurs, c’est là qu’est l’os.

Qubits

Un ordinateur quantique traite des qubits et non de bits (chiffres binaires). Un qubit n’est pas une valeur simple, mais une superposition d’états répondant à la logique quantique.

L’enjeu de l’informatique quantique est de concevoir des algorithmes, et les structures physiques pour les exécuter, tels que toutes les propriétés de la superposition soient utilisées pour le calcul, les qubits devant à la fin de l’exécution se trouver dans un état donnant le résultat de calcul sans risque d’obtenir un résultat aléatoire.

Qubit, sur Wikipédia France

L’avantage est de disposer d’un système capable à la fois d’aller plus vite qu’un ordinateur classique mais aussi de modéliser plus efficacement certains problèmes, insolubles autrement.

On perd du qubits

Le qubit est instable : le jeu est de le garder stable suffisamment longtemps pour résoudre le problème voulu. Pour contrecarrer les erreurs et l’instabilité, on est souvent (toujours ?) obligé d’employer des qubits à cet effet, ce qui fait que le nombre de qubits de la solution sera toujours inférieur au nombre de qubits construits sur la machine.

C’est quoi ton type ?

Malheureusement, réaliser un ordinateur quantique « généraliste » est extrêmement compliqué : pour cela il faut augmenter le nombre de qubits utilisables ; or plus il y a de qubits, moins l’ensemble est stable ! Ce sont les ordinateurs quantiques à portes quantiques.

On s’est donc tourné vers des machines spécialisées, ne permettant pas de programmation « universelle », mais plus faciles à concevoir et à construire, en limitant leur action à certains types de problèmes. Certaines machines ne sont pas strictement quantiques, mais simulent une partie du processus. On distingue plusieurs grands catégories.

Les émulateurs quantiques

Il s’agit uniquement de simulations logicielles tournant sur des ordinateurs classiques, dans le seul but de tester les algorithmes. Cela tourne évidemment beaucoup moins vite.

Les ordinateurs quantiques à recuit simulé

Le fameux ordinateur de D-Wave fait partie des machines spécialisées, dites ordinateurs quantiques à recuit simulé, ne pouvant simuler qu’une partie des algorithmes quantiques1.

Les simulateurs quantiques analogiques

La simulation se fait à base de valeurs analogiques, donc continues.

Les ordinateurs quantiques à variables continues

On rentre dans le cœur du sujet : on stocke et traite du vrai qubit, accessibles via des portes quantiques. On peut encore scinder différents types, mais c’est dans cette catégorie que se trouvent les ordinateurs quantiques universels, si difficiles à construire.

Parmi les techniques utilisées dans ces différentes catégories, on trouve :

  • Recuit quantique ;
  • Supraconducteurs ;
  • Ions piégés ;
  • Spin d’électrons ;
  • Cavité de diamants ;
  • Optique linéaire ;
  • Atomes froids ;
  • Topologique.

QUIL

Applications du quantique

Non, l’informatique quantique ne servira pas à accélérer la lecture des vidéos sur votre smartphone. Seuls quelques domaines spécialisés trouveront avantage à utiliser cette technologie, et les plus importants seraient la simulation moléculaire (nouveaux matériaux, chimie, pharmacie) et l’optimisation (pour la logistique avec le calcul de trajet, traitement du signal, machine learning, optimisations mathématiques diverses).

Algorithmes

On voit donc que tous les problèmes ne tireront pas partie des ordinateurs quantiques : seuls quelques catégories pourront le faire. Quelques algorithmes déjà établis sont parfaitement adaptés à un traitement quantique :

  • L’algorithme de Shor, permettant la factorisation de nombres (avec de très importants impacts en cryptographie) ;
  • L’estimation quantique de phase, pour ce qui est des recherches moléculaires ;
  • Les marches quantiques, pour la recherche d’un optimum (par exemple le problème du voyageur de commerce).

Un spécialiste de Microsoft2 remarque d’ailleurs que « le logiciel quantique est aujourd’hui beaucoup plus avancé que le matériel quantique ». Pour ma part, je pense que c’est ici que le bât blesse : à moins d’une révolution dans le monde de la physique fondamentale, je vois mal réussir à manipuler des qubits avec des machines simples, de petite taille et peu énergivores. En 2020, on utilise encore des anneaux de plusieurs dizaines de kilomètres de circonférences et une énergie colossale pour étudier les atomes (à la vitesse proche de celle de la lumière, il est vrai).

Suprématie quantique

Google a annoncé l’avoir atteinte, avec son projet Sycamore. On parle de suprématie quantique quand un ordinateur (quantique) est capable de résoudre un problème inatteignable par un ordinateur classique.

L’annonce de Google a été très discutée, car l’algorithme classique auquel on comparait l’algorithme quantique n’était peut-être pas optimisé : Google annonçait que le calcul équivalent sur une technologie classique aurait pris 10 000 ans, alors qu’IBM arguait qu’il aurait suffit de 2,5 jours3.

Cette distorsion provient du concept même de suprématie quantique, car comparer les deux technologies est difficile. En gros, dans le cas de Sycamore, résoudre le même problème aurait effectivement pris 10 000 ans sur une machine classique mais en utilisant la même méthode de résolution ! Or si elle est adaptée à un ordinateur quantique, elle ne l’est pas sur un ordinateur classique. Et c’est ce qu’indique IBM : le même problème, mais résolu de façon optimisée sur des technologies actuelles, peut être résolu en quelques jours.

Doit-on se préparer au post-quantique ?

…l’ANSSI préconise de ne pas utiliser seuls les nouveaux mécanismes devant apporter la résistance à l’ordinateur quantique, mais plutôt de les combiner avec les mécanismes actuels de façon à écarter tout risque de régression sécuritaire liée à des mécanismes immatures.

ANSSI

C’est pas demain la veille

Parmi les nombreux écueils que l’ordinateur quantique doit affronter, il y a le problème de décohérence : un ordinateur quantique doit se reposer entre deux calculs4, sous peine de perdre les propriétés quantiques qui font son intérêt !

Par ailleurs, les radiations5 sont un problème : la radioactivité naturelle (présente même dans les bananes…) perturberait le fonctionnement des ordinateurs quantiques.

Enfin, les ordinateurs quantiques ont besoin aujourd’hui de froid, et la multiplication des qubits va entraîner un besoin de refroidissement qu’on ne sait pas encore créer.

Des candidats ?

Mais ça n’est pas simple…

Bulle quantique ?

― Alors c’est foutu ? Je n’aurai jamais de smartphone quantique ?

Disons que… non. Même avec des avancées dans le domaine du refroidissement, de la protection des radiations, etc., il est peu probable qu’on ait un jour un smartphone quantique car, curieusement, la manipulation et le contrôle de l’infiniment petit demande une énergie et des moyens colossaux !

En s’inspirant de l’article de PCMag (voir ci-dessous et références), l’informatique quantique peut être imaginée comme ce qu’est l’aviation commerciale à la voiture particulière : un énorme progrès mais nécessitant des compétences et des infrastructures spéciales pour en profiter. A moins d’une percée inédite dans la physique fondamentale, les ordinateurs quantiques devraient rester dans des datacenters dédiés.

Et s’ils remplacent un jour nos ordinateurs classiques en tant qu’infrastructure de traitement, les ordinateurs classiques devraient garder leur place pour des traitements plus simples, plus facilement accessibles, et probablement aussi pour servir d’interface avec ces nouveaux monstres de puissance dont on disposerait.

Impacts sur les technologies existantes

Impact sur la transmission de données

On pense qu’il est possible, grâce à la cohérence quantique (si je ne me trompe pas) qu’il est possible de lier deux éléments à grande distance. Ainsi, on pourrait téléporter une information grâce à cette cohérence, entre deux éléments très éloignés, à conditions qu’ils restent bien liés et cohérents.

Les avantages seraient :

  • Transmission rapide comme l’éclair (hypothétiquement plus rapide que la vitesse de la lumière, rêvons un peu) ;
  • Impossibilité d’interception puisque le signal ne passe… nulle part.

La 5G en prendrait une bonne claque, côté vitesse et latence, mais il reste à vérifier que c’est possible dans ce bas-monde. Les chercheurs cherchent encore.

Impacts sur la cryptographie

Diffusion de clés

Déchiffrement de clés basées sur la factorisation

Chiffrement quantique

Nombre aléatoire

Un des aspects les plus aboutis de l’utilisation des mécanismes quantiques dans la cryptographie est la génération de nombres aléatoires, fonctions tout autant cruciale que la robustesse des algorithmes (des procédés).

Plusieurs sociétés proposent des générateurs aléatoires quantiques.

Autres sources

https://www.frenchweb.fr/comprendre-linformatique-quantique-applications-metiers/334236

« Derrière l’ordinateur quantique, il y a des promesses technologiques, mais aussi des promesses sociétales » | Microsoft experiences

8 idées reçues sur l’informatique quantique | Microsoft experiences

[TECH AU CARRE] L’informatique quantique n’aura plus de secret pour vous | Microsoft experiences

[TECH AU CARRE] Episode 1 – Qu’est ce qu’un ordinateur quantique? Le modèle du circuit – YouTube

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