Empreinte écologique numérique

Dernière mise à jour : 12/01/2023

Faut-il marcher dans l’informatique du pied gauche ? Depuis que je fais de l’informatique (de façon professionnelle, c’est-à-dire à peu près 30 ans au moment de ce post), quasiment personne ne parle d’optimisation ou de rationalisation, au moins pour l’informatique grand public et générale (en dehors de domaines spécialisées comme l’informatique embarquée).

Pourtant, dans les discours de toutes les grandes sociétés, on nous parle désormais de sobriété, y compris pour le numérique, mais en nous présentant des concepts absurdes comme minimiser les lignes de commentaires dans le code ou réduire l’envoi de mails.

Juste un mot sur le code

A ce sujet, sans avoir de chiffres précis, réfléchissons deux secondes (ça suffira). Mettre moins de commentaires n’aura que deux effets : solliciter moins de stockage, et diminuer le temps immédiat de production d’un programme, puisqu’on passera moins de temps à commenter.

C’est totalement absurde : faites un ratio entre les lignes de codes et le volume actuel des données, vous verrez qu’au niveau stockage, le code en lui-même ne représente qu’un pouillème insignifiant, je ne parle même pas des commentaires. Deuxio, quand on écrit du code de façon professionnelle, on sait très bien qu’il faut en prévoir la maintenance, qui est en général grandement facilitée par la documentation, qu’elle soit en ligne (dans les commentaires du code) ou externe. Sans oublier les cas où les commentaires sont quasiment obligatoires pour pouvoir générer de la documentation automatique, comme avec Swagger API. Moins de commentaires entraînera donc plus de travail pour la maintenance, et donc plus de temps devant son ordi à consommer du courant.

Du côté de l’exécution, comptez un gain nul : les commentaires ne s’exécutant pas, cela n’apportera rien aux performances. Donc il y a plein de pistes à explorer pour la sobriété numérique, mais il faut le faire sérieusement.

Un autre mot sur les e-mails

Encore une autre absurdité au sens écologique (pas forcément au sens social ou humain) : envoyer moins de mails n’aura qu’une influence symbolique sur notre consommation énergétique, comme l’indique Presse-Citron.

D’abord il faut savoir que les mails ne représente qu’une infime partie de l’usage d’internet (1% environ, contre plus de 80% pour les consultations de vidéos), et que dans ce même usage, 85% serait constitué de spams. Donc l’ensemble des mails que nous envoyons volontairement ne représenterait que 0,15% du trafic internet, et si nous réduisions de moitié nos envois, on arriverait donc à réduite de 0,075% le trafic internet.

D’autre part, le chiffre de la consommation est discutable (tout le monde citerait la même source, un livre de Mike Berners-Lee (frère de Tim Berners-Lee) dont l’auteur lui-même indique que son but était essentiellement d’éveiller les consciences et non de fournir des chiffres scientifiques. La plupart des équipements traversés lors de l’envoi d’un mail sont allumés en permanence et consomment même sans aucune activité. L’influence ne porterait donc que sur la charge directement induite par le passage d’un mail. L’exemple le plus frappant est celui de votre ordinateur : il consomme de l’énergie même sans envoi de mail.

Et pour enfoncer le clou, on sait désormais que la construction des équipements informatiques constitue la principale source de consommation et de pollution. Avec tout ça, on voit que réduire l’envoi de mails ne va pas servir à grand chose, tout comme vider sa corbeille ou réduire les messages stockés (ce dernier point risque même de nous faire passer plus de temps sur nos ordis, réduisant encore le gain minuscule escompté par cette action).

The Shift Project

Ils ne sont pas seuls, mais ce sont les rares francophones à réfléchir sur le sujet. Ils nous donnent donc de la lecture…