Le paradoxe de Jevons

Dernière mise à jour : 19/01/2024

« L’idée selon laquelle un usage plus économe de combustible équivaudrait à une moindre consommation est une confusion totale. C’est l’exact contraire qui est vrai », écrit W. S. Jevons au XIXe siècle. Ainsi, une meilleure efficacité productive ou énergétique peut conduire à une plus grande utilisation du produit.

Plus la technologie progresse, plus l’efficacité d’une ressource augmente, et donc moins elle consomme pour une tâche donnée. On pourrait s’attendre à ce que la « consommation » baisse dans le temps. Or cette efficacité fait naître de nouveau usages ou fait que les usages concernés sont de plus en plus utilisés et répandus, ce qui peut amener à une augmentation de la consommation des ressources !

Pour ma part, ça fait depuis que je fais de l’informatique que je m’inquiète de l’absence totale de réflexion sur l’optimisation des ressources. Il n’y a qu’à voir l’inflation des lignes de codes, de la complexité des architectures, de l’empilement des couches, et j’en passe. Combien de fois des problèmes de performances ont été résolus en ajoutant du matériel, ou en se disant qu’à la prochaine génération de processeur, ça passera comme une lettre à la Poste.

De la même façon, les usages font boule de neige et on se prend à ne plus pouvoir se passer de choses dont on s’est passé toute la vie (mais on dirait que rien n’est plus indispensable que l’inutile). Prenez la 5G : c’est comme la 6G, mais en moins bien. Et ainsi de suite. Hors franchement, la 5G ne m’apporte aucun usage nouveau, en tant que particulier. Et cet exemple illustre parfaitement le paradoxe de Jevons : on nous vante la sobriété de la 5G par rapport à la 4G, mais les nouveaux usages induits (forcés ?) vont faire exploser les débits. Soyons cependant optimiste, ça fait un début d’optimisation, mais au prix d’une consommation plus importante de ressources et d’énergie.

Et que dire de l’intelligence artificielle, qui tourne sur des montagnes de processeurs plus ou moins spécialisés, dont des cartes graphiques ? Ça tourne avec des éoliennes ? Un des pionniers de l’IA, Sam Altman, reconnaît lui-même que tout ça va dans le mur. La question pourrait être : « le jeu en vaut-il la chandelle ? ». Mais y a-t-il une seule personne que se la pose ?