Non, l’IA n’a pas résolu l’équation de Schrödinger

Dernière mise à jour : 23/03/2021

Le demi-chat se retourne dans sa demi-boîte

A l’heure où l’informatique quantique et l’intelligence artificielle alimentent les fantasmes de certains et l’espérance de profits financiers pour d’autres, la presse ajoute parfois à la confusion avec des titres prêtant à ces dernières des vertus qu’elles n’ont pas.

Faut-il taper sur l’IA ?

L’intelligence artificielle souffre de son nom : on lui confère beaucoup plus de pouvoirs qu’elle n’en a. Et d’un autre côté, on oublie ses apports et les possibilités qu’elle offre, faute de compréhension du phénomène. Or le risque viendra plus probablement du pouvoir accordé à tort à ces nouvelles technologies qu’à leurs conséquences réelles dans le monde tangible.

Disséquer les mécanismes de l’IA demanderait bien plus qu’un article ici, mais on peut facilement s’interroger sur sa représentation courante dans les media ou dans le monde des entreprises. La résolution de l’équation de Schrödinger est un exemple récent de la confusion se propageant au fil des avancées que permettent la technologie.

Que disent les médias ?

Plusieurs media se sont emparés de la nouvelle : une intelligence artificielle aurait résolu l’équation de Schrödinger, qui est une « équation fondamentale en mécanique quantique » (Wikipédia).

Source : wikipédia

De l’approximation

Les physiciens ne s’arrêteront probablement pas aux titres et plongeront dans les contenus. Par contre un décideur débordé de newsletters en tout genre ne regardera que le titre et s’étonnera des progrès fantastiques de la technologie. Il ne s’agit pas ici de trancher la question philosophique des progrès technologiques (Heidegger, Ellul et d’autres l’ont étudié) mais de la mettre à sa vraie place.

Car en regardant de près, l’équation de Schrödinger n’a pas été résolue par une IA ! En réalité, l’utilisation d’une IA a permis de trouver des solutions numériques à cette équation, solutions jusqu’alors inaccessibles à nos ordinateurs classiques. Or l’université à la base de cette avancée précise pourtant bien dans sa publication :

The electronic Schrödinger equation can only be solved analytically for the hydrogen atom, and the numerically exact full configuration-interaction method is exponentially expensive in the number of electrons.

Deep-neural-network solution of the electronic Schrödinger equation | Nature Chemistry

Il n’existe donc toujours pas de solution analytique (c’est-à-dire exacte) de l’équation de Schrödinger, sauf pour un atome d’hydrogène. Par contre l’IA a permis une avancée majeure dans le calcul d’une solution très précise jusqu’à 30 électrons. Ça n’est pas la même chose, car aucun génie cybernétique n’a découvert de solution conceptuelle à un problème humain : ce sont bien des humains qui ont tiré parti des incroyables prouesses possibles avec les technologies d’intelligence artificielle pour améliorer considérablement des calculs numériques complexes.

Ne joue-t-on pas sur les mots ?

Justement si : à force de personnifier l’œuvre des machines, on alimente le fantasme de la machine toute puissante, alors qu’elle ne surpasse l’être humain que dans certains domaines (principalement la vitesse de calcul). Cette confusion peut amener à une injuste dévalorisation des capacités humaines et à une déception quant aux capacités des machines. Un algorithme n’est puissant et efficace que si son concepteur l’a optimisé.

Sources